IL FAUT UN ENGAGEMENT REEL DES POLITIQUES A L’EGARD DES EUROSCEPTIQUES

Il est de coutume pour les politiciens au centre (droit et gauche) de revendiquer qu’ils ont tiré les leçons des résultats des élections européennes et de reconnaître le renforcement des sentiments anti-UE and anti-établissement. Pourtant, ils ont dit la même chose il y a cinq ans, et cinq ans plus tard, il y a plus, beaucoup plus de députés européens aux extrêmes du spectre politique qui vont siéger à Bruxelles et à Strasbourg. Si à 43% le taux de participation a été pour la première fois le plus élevé, il a surtout joué en faveur des partis qui veulent détruire la dimension politique tout entière de l’Union européenne. Pour ceux qui sont déterminés à repousser les forces anti-UE, il ne s’agit plus de discuter.  Il faut un engagement réel des partis au centre à l’égard des Eurosceptiques, et des questions fondamentales doivent être posées quant à la manière dont l’UE peut reconquérir les coeurs et les esprits qu’elle a perdus, non seulement au cours des cinq dernières années, mais des décennies récentes. Ces élections représentent un défi pour la classe politique- qu’elle doit relever de front, ou elle risque de perdre toute légitimité.

Pendant des années les Eurosceptiques ont été considérés comme synonyme avec ‘extrémistes’. Mais l’euroscepticisme englobe un large éventail de points de vue et comme dans toute chose, c’est une question de degré. Malheureusement, l'euroscepticisme a été fréquemment identifié que par ses extrêmes radicaux; avocats du nationalisme d’une part et communistes non-réformés de l’autre. Cette dramatique simplification à l’excès a produit deux résultats: le premier c’est que les eurosceptiques modérés se sont éloignés du centre vers des positions plus polarisées, et le deuxième c’est que les déficiences sérieuses de l’UE ont non seulement été maintenues mais activement défendues. Dans le premier cas, les critiques modérés qui cherchaient à contester les hypothèses fondamentales de l’UE on été diabolisés comme des nationalistes marginaux tentant de faire dérailler le processus tout entier. Dans le deuxième cas, l’existence continue d’une bureaucratie non élue en laquelle beaucoup de pouvoir est investi  demeure largement sans contrôle et virtuellement incontestée. Un débat nuancé concernant la validité démocratique de l’état actuel des choses (où de 75 à 84 pourcent des législations sont initiées par des personnes non-élues) a été perdu dans les arguments relevant du caractère de ceux qui soulevaient la question.

Aujourd’hui les Eurosceptiques doivent être pris au sérieux. L’Union européenne fait face à un nombre de défis critiques, mais deux ressortent comme étant les plus sérieux; notamment une faiblesse de légitimité et une incapacité à prendre des décisions rapidement. Dans le premier cas, il s’agit d’un déficit démocratique croissant et d’un manque chronique de contrôle qui sont à la base d’un sens d’éloignement ressenti par les citoyens dans les prises de décision. Dans le deuxième cas, il s’agit de la façon dont les décisions sont prises. Prises à huit clos, sans la rigueur ou l’urgence que tout contrôle véritable exige, les décisions au niveau européen arrivent souvent trop tard et représentent fréquemment les décisions les moins mauvaises plutôt que les meilleurs choix disponibles.

Il est grand temps que le projet européen atteigne sa maturité au point où les critiques ne sont plus ignorées ou marginalisées, mais plutôt bienvenues. Les appels pour plus d’ouverture et de véritable contrôle ne doivent plus être fustigés mais pris au sérieux. C’est un signe d’insécurité, d’un manque clair de légitimité, si toux ceux qui ne formulent pas des louanges à l’égard de l’UE sont considérés comme une opposition extrême. Il est absolument vital pour le futur du projet européen que les eurosceptiques cessent d’être considérés comme étant synonyme avec des forces hostiles mais au contraire de prendre au sérieux leurs arguments et préoccupations.

L’Union européenne a beaucoup de lacunes, des lacunes qui ne seront seulement résolues que si elles font l’objet d’un examen ouvert, un examen que les traités successifs n’ont singulièrement pas réussi à produire. Les Eurosceptiques soulèvent souvent les questions difficiles concernant la responsabilité des institutions, et sont les critiques les plus forts en matière du budget dont la moitié est alloué à la politique agricole. Ils sont les premiers à agir comme frein à certains autres aspects d’intégration (comme par exemple, est-ce qu’il est nécessaire de mandater que les femmes restent chez elles pendant six mois après un accouchement ? etc.). Si l’UE doit devenir un acteur significatif véritable, alors elle se doit de répondre par d’autre chose que du mépris à l’égard de telles préoccupations.

Par ailleurs, il est de plus en plus clair qu’un nombre grandissant de citoyens partagent ces mêmes préoccupations. Pourtant la réponse à l’égard d’opinions critiques se manifeste par une nuisance plutôt qu’une acceptation. Un tel mépris pour le processus démocratique est en lui-même une question de grave préoccupation; mais pire encore, il représente une occasion manquée de proportion monumentale. Cette fois, les résultats des élections européennes devraient soulever des questions sérieuses à poser, quant aux causes des résultats et quel type d’Europe les citoyens désirent en réalité. Dans le passé, au lieu de saisir la chance pour un dialogue radical, les résultats ont été ignorés de façon telle qu’ils ont érodé le soutien pour l’union dans son ensemble, mais également sapé la crédibilité des modérés des deux côtés de l’argumentation.

Pour assurer que l’Europe demeure compétitive, économiquement, socialement et géo-politiquement, il convient que les questions difficiles puissent être  soulevées et les hypothèses fondamentales mises au défi ; sans cela l'UE risque de décliner suivi d’une descente rapide de pertinence. Il est temps de laisser le passé derrière et de se concentrer sur le futur. L’Union a maintenant atteint un stage où il est dangereux de continuer avec une attitude basée sur le postulat que toute opposition à ‘une union toujours plus étroite’ est une opposition à la paix en Europe. Un tel point de vue est sans aucun doute anachronique et pire a un effet débilitant sur un débat légitime des questions cruciales.

Avec la ratification du Traité de Lisbonne, les institutions européennes sont sinon plus puissantes que les Etats, elles en sont leur égal. Et pourtant l’organisation demeure truffée de lacunes impensables à tout démocrate. Insensible à la pression public, soumis à aucun contrôle et examen du public, et en dépit de tout le bien accompli, l’UE est de plus en plus éloignée des citoyens. La façon dont l’Europe mûrit face à l’euroscepticisme montant jouera un rôle important dans le succès ou l’échec de l’UE comme acteur important. Mais le temps n’est pas de son côté. Après des décennies ayant considéré toute opposition comme des forces hostiles mettant en danger la paix d’un continent, le mouvement pro-Européen se trouve maintenant à défendre l’indéfendable. Apparemment indifférente aux objections légitimes, l’Europe est en danger de donner crédit à son opposition plus polarisée (FN en France,ou le UKIP britannique) aux dépens des réformateurs modérés.

Les mesures à prendre pour renverser cet état de choses requièrent une réévaluation complète de la manière dont l’EU gère les critiques à son encontre et comment elle se voit- non plus comme le sauveur mais comment elle voit chaque facette de ses défauts dans la réalité et comment elle conduit ses affaires. L’acceptation de l’opposition à l’intégration ne sera pas un voyage facile, il est toutefois vital si l’EU veut gagner une plus grande légitimité et un soutien au-delà de ceux qui la soutiennent habituellement.

Au lieu d’une sphère transnationale politique, l’UE a créé un système de fédéralisme exécutif, qui est surtout un euphémisme pour ‘L’Europe décide, les états membres mettent en oeuvre’. La politique démocratique réside dans les états nations, mais les vrais décisions sont déjà prises à un niveau au-dessus. 'L’Europe sait ce qui est bon pour vous, encore mieux que vous'. Les parlements nationaux sont déchirés entre la création d’un consentement pour des résolutions déjà conclues et maintenir l’illusion qu’ils ont encore un vrai débat démocratique. Pour les responsables de l’UE, cela crée une position confortable. Ils peuvent se mettre d’accord sur des questions impopulaires tout en évitant une responsabilité telle que nous l’avons connu avec l’augmentation des politiques d’austérité. Mais maintenant après les résultats des élections européennes, ce mode de penser et d’agir sera sérieusement contesté et le status quo ne marchera pas !

 

 

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