INFLUENCE FRANCAISE AU PARLEMENT EUROPEEN EN CHUTE LIBRE

Les élus français au Parlement européen entament la nouvelle mandature profondément affaiblis. La présence française aux postes clés est en recul. Entre cette législature et la précédente, les élus hexagonaux réduisent leur présence aux postes qui comptent.

Les belles prises sont réduites à la portion congrue. L’UMP Élisabeth Morin Chartier première questeure, son homologue Alain Cadec à la présidence de la commission Pêche, celle des Budgets pour l’UDI Jean Arthuis, la socialiste Sylvie Guillaume à la vice-présidence du Parlement.

L’effondrement des Verts : Chez les Verts, la situation est particulièrement inquiétante. Leur maigre cortège se réduit à 6 élus, contre 16 pour la période précédente. Yannick Jadot a perdu la bataille de la coprésidence du groupe Verts/ALE, qui l’opposait au Belge Philippe Lamberts. Sans parler des tensions internes à la délégation qui ont failli priver les Verts d’une vice-présidence de groupe… que Michèle Rivasi a pu récupérer à l’arraché. Pour contrer l’influence allemande, l’élue écologiste tente de réunir sous sa bannière les autres francophones du groupe (Belgique, Luxembourg), allant même jusqu’à faire les yeux doux au Catalan Ernest Maragall. À noter tout de même une belle prise pour une délégation aussi peu nombreuse : Karima Delli devrait présider la commission Transports dans deux ans et demi, lors du remaniement de mi-mandat. D’ici là, elle sera coordinatrice. Un temps, les Verts français espéraient la propulser à la présidence de la commission Emploi. C’est finalement le groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE) qui a raflé le poste.

Le Front de Gauche a mal dosé ses cartouches : Le Front de Gauche (4 élus), membre de la GUE, a fait des pieds et des mains pour tenter de placer le Réunionnais Younous Omarjee à la tête de la Commission. Jean-Luc Mélenchon a même plaidé en sa faveur. Sans succès, les Français ayant déjà utilisé leur joker pour Patrick Le Hyaric, élu vice-président du groupe. Une position symbolique par rapport à une présidence de commission.

Les choix très politiques de l’UMP : À l’UMP, la situation peut paraître meilleure. Du moins en apparence. Les conservateurs français restent la troisième nationalité du Parti populaire européen (PPE), derrière les Allemands et les Polonais. Avec 20 députés, le parti sera représenté dans chaque commission parlementaire, de quoi couvrir tous les sujets. Mais la répartition est surprenante. L’un des gros dossiers des cinq années à venir est la réforme du droit d’auteur. Le sujet sera très probablement traité par la commission Affaires juridiques, où l’UMP sera seulement représenté par une suppléante en la personne de Constance Le Grip. La très importante commission du Marché intérieur est également délaissée. Dans les rangs de l’UMP, seul l’eurodéputé Philippe Juvin s’apprête à y siéger. Pour occuper la vice-présidence de la commission du Commerce international, chargée de l’accord de libre-échange entre l’UE et les États-Unis, l’UMP a choisi d’envoyer Tokia Saifi, qui, malgré son quatrième mandat, a peu d’influence dans l’hémicycle. À l’inverse, les Français du PPE ont fait le choix d’investir en masse des sujets plus visibles politiquement, faisant fi des domaines d’expertise des intéressés et des compétences réelles du Parlement. Pas moins de quatre députés (deux permanents avec Michèle Aliot-Marie et Arnaud Danjean, deux suppléants avec Tokia Saifi et Philippe Juvin) siègeront en Affaires étrangères, un domaine où les députés n’ont aucun pouvoir législatif. Dans le même temps, fin connaisseur des problématiques de Défense, Arnaud Danjean perd la présidence de la sous-commission dédiée au sujet. Brice Hortefeux, Rachida Dati et Nadine Morano (suppléante) iront en Libertés civiles et affaires intérieures (LIBE), qui traite en bonne partie des questions d’immigration. Là encore, les décisions restent avant tout entre les mains des États. La commission LIBE est également le lieu où se négocie la cruciale réforme de la protection des données personnelles. Un enjeu éloigné des préoccupations politiques et domaines d’expertise de ces trois députés.

Technique de Sioux : Les socialistes ont déjà connu cette situation. À la fin de la législature précédente, ils n’étaient plus que 13. Ils sont aujourd’hui moins nombreux que les socialistes roumains (16 élus sur une délégation de 32), et presque trois fois moins que les Italiens. La nouvelle chef du PS à Strasbourg, Pervenche Berès (PS, S&D) a donc repris la stratégie utilisée en 2009 dite du « commando » ‘agir vite, occuper le terrain’.

Modem: Les seuls à tirer à peu près leur épingle du jeu sont les sept élus UDI-Modem. Dépassé par les conservateurs eurosceptiques britanniques, leur groupe, l’Alliance des libéraux et démocrates, n’est plus que le quatrième de l’hémicycle. Mais, en interne, les centristes français se paient le luxe de constituer le premier parti. Cette prédominance leur permet de récupérer la présidence de la commission des Budgets et une place pour Sylvie Goulard en Affaires économiques. .

Peu de députés expérimentés

Avoir privilégié la politique à la stratégie n’est pas le seul problème des Français. Ils font également face à un déficit de compétences. Ce qui a empêché les deux plus grandes délégations, UMP et PS, de prétendre aux postes de Coordinateurs. Peu connue, cette fonction permet d’orienter les votes en commission, tout en gérant la répartition des tâches entre les députés : le coordinateur détermine les rapports dont un élu peut avoir la charge. Beaucoup de temps de présence et la reconnaissance de ses pairs sont nécessaires pour y accéder. La répartition n’obéit à aucune règle de proportionnelle entre nationalités.

Noms cités (ordre alphabétique):  Michèle Aliot-Marie, Jean Arthuis, Pervenche Berès, Alain Cadec, Arnaud Danjean, Rachida Dati, Karima Delli, Sylvie Goulard, Sylvie Guillaume, Brice Hortefeux, Yannick Jadot, Philippe Juvin, Constance Le Grip, Patrick Le Hyaric, Jean-Luc Mélenchon, Nadine Morano, Elisabeth Morin Chartier, Younous Omarjee, Michèle Rivasi, Tokia Saifi. 

Add new comment