COMMENT GOUVERNER EN FRANCE SANS MAJORITE

Le gouvernement français n’a plus de majorité au sens strict à l’Assemblée nationale. Cela implique que pour chaque vote majeur, un travail de compromis et d'équilibrisme devra être fait par le gouvernement pour réussir à faire passer son texte. En particulier, ce sera probablement le cas pour chaque loi de finances: loi de finances annuelle, collectif budgétaire, lois de finances rectificatives.

Le gouvernement dispose de huit outils pour réussir à gouverner sans majorité?

  1. Faire passer par décret tout ce qui peut l'être, donc sans avoir à passer par le vote d'une loi. La majorité des dispositions des lois adoptées en France depuis trente ans relèvent en fait du domaine du décret. Elles peuvent donc être décrétées par le gouvernement sans passer par le Parlement.
  2. Obtenir de l'Assemblée un blanc-seing, c'est-à-dire l'autorisation de légiférer par ordonnances. C'est-à-dire, en simplifiant, obtenir en un seul vote la permission des députés pour légiférer par décrets. Cependant, en l'état actuel d'absence de majorité absolue à l'Assemblée, les chances d'obtenir une telle autorisation sont faibles. Et de toute façon, au bout d'un certain délai les ordonnances doivent être validées par le Parlement pour ne pas être annulées d'office.
  3. Clientélisme: obtenir le vote d'un député en négociant une contrepartie pour sa circonscription.
  4. Concession de fond: modifier une partie du texte en échange du vote du Député.
  5. Article 49-3 de la Constitution: dramatiser l'enjeu du vote en décidant que si le texte est rejeté, le gouvernement tombe ; en clair, c'est un chantage au suicide.
  6. Article 12 de la Constitution, c'est-à-dire la menace de dissoudre l'Assemblée. Dans le contexte actuel, cela équivaudrait pour de nombreux députés à perdre leur siège. En clair, c'est un chantage au licenciement.
  7. Menace de ne pas donner l'investiture PS au député pour les prochaines législatives. Cela suppose cependant d'avoir un contrôle total sur l'appareil du parti, ce qui n'est pas le cas, et surtout, avant un an le couple exécutif n'aura plus le capital politique pour ce genre de menace.
  8. Article 16 de la Constitution, c'est le Président de la République prend les pleins pouvoirs.

Dissolution de l’Assemblée nationale

La dissolution est un pouvoir discrétionnaire du président de la République: donc, par définition, il n'y procède que s'il le souhaite. Il serait légitime qu'il le fasse s'il constate que, systématiquement, les textes du gouvernement sont rejetés par l'Assemblée, et que donc, durablement, il ne peut plus gouverner avec cette Assemblée. Dans ce cas, très probablement, le PS subirait un énorme claque électorale, la droite et le centre deviendraient majoritaires, et il y aurait probablement davantage de députés d'extrême droite qu'actuellement.

Conformément aux usages, le Président du principal parti d'opposition, deviendrait Premier ministre d'un gouvernement de co-habitation. Et donc, la droite devenant la puissance sortante pour 2017, François Hollande aurait mécaniquement davantage de chances d'être réélu.

Ce serait un scénario-catastrophe, un scénario extrême. Le Premier Ministre préfèrera systématiquement faire autant de concessions et de compromis que nécessaire pour faire passer ses textes, qui donc, plus ou moins dans la douleur, et dans des versions plus ou moins bancales, passeront.

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